CONTRE LES MAUX DES petits producteurs bio


Pas de tomate bio en hiver, non aux serres chauffées

Non à l’industrialisation de la Bio !

Chauffer les serres pour produire des légumes bio hors saison est une aberration gustative, agronomique et environnementale ! Signez la pétition et dites #nonauxserrreschauffees : signez la pétition portée par la FNAB, le Réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot et Greenpeace.

 

Pour signer la pétition :

https://www.change.org/p/didier-guillaume-pas-de-tomate-bio-en-hiver-non-aux-serres-chauff%C3%A9es


L’ahurissante affaire du boulanger « bio » poursuivi par l’administration

25 mai 2016 / Marie Astier (Reporterre)


Un couple de boulangers de la Somme est accusé d’avoir trompé ses clients. L’enjeu : l’appellation « bio ». Cette affaire, dont le jugement a été reporté au mois de septembre, pose la question de l’arbitraire des contrôles et de l’adaptation des normes aux petits producteurs.

- Amiens (Somme), reportage

Malgré la pluie fine, ils sont une cinquantaine serrés autour d’un abri de toile blanche, coloré des drapeaux jaunes de la Confédération paysanne. Le petit groupe est installé au pied des marches du tribunal correctionnel d’Amiens (Somme). Plusieurs paysans membres du syndicat agricole sont présents, de même que des adhérents des Amaps (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), l’association qui s’oppose à la ferme des Mille-Vaches, Novissen, ou encore de simples clients. Beaucoup n’en reviennent pas de devoir se réunir ici en ce matin gris pour soutenir... une boulangère. Son délit ? L’administration accuse Françoise Bourgeois d’avoir trompé ses clients. Elle aurait tenté de leur faire croire que son pain est bio, alors qu’il n’a pas le label. « Aberrant », « consternant », « scandaleux », ahurissant », « ridicule » : dans l’assemblée, chacun cherche les mots pour qualifier son sentiment face à la situation.

Françoise Bourgeois et son mari, Alain, ont apporté la pancarte à l’origine de l’affaire. Le panneau de bois mesure 40 cm sur 44 et indique : « Pain au levain de farine bio moulue sur meule de pierre, cuit au feu de bois. » À côté du texte, l’étiquette de la farine a été ajoutée. « On voulait montrer que notre farine vient de chez un paysan-meunier installé à 15 kilomètres de chez nous », s’excuse Alain. Sauf que la farine est bio, et que les logos « agriculture biologique » de la France et de l’Europe apparaissent sur son étiquette. Les contrôleurs de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) ont donc jugé que l’affiche prêtait à confusion. Françoise est accusée de « présentation de produit faisant croire qu’il bénéficie de la qualité de produit issu de l’agriculture biologique » et risque jusqu’à deux ans de prison et 300.000 euros d’amende.

Des clients heureux, des boulangers honnêtes sur leurs pratiques 

Devant le tribunal, en ce jeudi 12 mai, les prises de parole se succèdent. Un client vient témoigner au micro. « Je n’ai jamais cru que leur pain était bio, assure Vincent. J’ai même pu venir dans leur fournil pour faire le pain avec eux. On peut tout voir, il n’y a pas plus transparent ! » Dans l’assemblée, Cathy Fostier, présidente de l’une des Amaps fournies par le couple, confirme : « On les a aidés à se lancer il y a presque quatre ans, ils nous ont informés qu’ils n’avaient pas le label mais utilisaient de la farine biologique. On ne s’est jamais senti trompés, au contraire, on les connaît et on a totalement confiance. Avec eux, on sait ce qu’on mange ! » Françoise et Alain, eux, se défendent : « Cette pancarte, on ne l’a jamais utilisée pour nos ventes au marché, elle était au fond du fournil, où l’on vend très peu de pain. Et on ne l’utilise plus depuis deux ans. »

Des clients heureux, des boulangers honnêtes sur leurs pratiques… « Cette procédure est ridicule, elle n’a pas lieu d’être, s’étonne l’avocat du couple, Adrien Loquesol. Aucun règlement dit qu’il est interdit d’écrire sur un panneau que l’on fabrique son pain avec de la farine bio. »

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Françoise et Alain devant le palais de justice d’Amiens, le 12 mai.

Françoise se souvient de la première visite du contrôleur, en février 2014, au tout début de leur activité. Il note que le four est installé dans le garage, un endroit peu approprié. Françoise et Alain promettent de faire les travaux nécessaires. Il remarque aussi le fameux panneau, posé dans un coin du fournil, et signale qu’il n’est, selon lui, pas réglementaire. Les boulangers reçoivent un premier avertissement par courrier : « Les boulangers ou les distributeurs ne peuvent pas commercialiser impunément des “pains à la farine de blé biologique” en lieu et place de “pains bio” croyant par ce biais pouvoir éviter le contrôle de la panification finale par un organisme agréé. »

Quelques mois plus tard, comme promis, le même inspecteur revient, accompagné d’un collègue. Les travaux sont faits, le fournil est aux normes d’hygiène, rien à dire. « Il nous a raconté que c’était son premier contrôle en bio, qu’ils manquaient de moyens, se souvient Françoise. Et puis, on avait l’impression qu’il voulait à tout prix trouver quelque chose à nous reprocher. » À la fin de la visite, l’inspecteur se souvient de la pancarte : « Où est-elle ? » demande-t-il. « On a compris qu’il voulait la voir, on est allés la chercher là où on l’avait rangée et on lui a montrée », raconte Alain. Grossière erreur. Le couple reçoit quelque temps plus tard un courrier leur expliquant que l’affaire est portée devant le tribunal. « C’est de l’acharnement ! dénonce leur avocat. Ce genre de procès montre qu’il y a vraiment deux poids, deux mesures. Il y a de gros scandales agroalimentaires, l’administration manque de moyens pour y faire face, alors, pourquoi met-elle autant d’énergie à poursuivre quelqu’un qui ne produit que 250 kilos de pain par semaine ? »

Première hypothèse : Alain et Françoise Bourgeois posent problème car ils ne sont pas labellisés bio et ont préféré souscrire à la mention Nature & Progrès. Demandant à ses producteurs d’utiliser des ingrédients bio, elle est même plus restrictive que le label officiel « AB », et fait effectuer les contrôles par les consommateurs eux-mêmes. Mais, « en aucun cas [la mention Nature & Progès] n’est un organisme de contrôle agréé par les pouvoirs publics en ce qui concerne la production biologique », rappelle l’administration aux boulangers.

« Pourtant, nous existions avant le label européen ! » rappelle Éliane Anglaret, présidente de l’association Nature & Progrès. Avec d’autres pionniers de la bio, l’association dénonçait dans une tribune publiée en février dernier sur Reporterre une « appropriation » du mot bio par les industriels, et les nombreux contrôles subis au cours de l’année 2015 :

« [Les pionniers de la bio] ont particulièrement été mis en garde sur l’utilisation des termes réservés à la certification biologique, les préfixes et suffixes “bio”, “éco” et “biologique”, “écologique”. (…) Les mouvements Simples, Demeter, BioCohérence et Nature & Progrès ont une vision très différente de l’agroécologie [de celle du gouvernement]. Est-ce pour cela que les pouvoirs publics auraient voulu, cette année, “dépoussiérer” la mouvance historique de l’agrobiologie de certains de ses éléments minoritaires, critiques, en allant les “visiter” et les positionnant au rang de hors-la-loi ? »

De petits producteurs, plus faciles à contrôler que les gros 

Pourtant, dans le cas de Françoise et Alain, même les tenants de la bio officielle ne trouvent rien à redire. Au sein du rassemblement de soutien devant le tribunal, on trouve des membres de Bio Picardie. « Les factures prouvant qu’ils utilisent de la farine bio sont là, il n’y a pas de tromperie, estime Jean-Baptiste Pertriaux, salarié de l’association. C’est exactement comme en Bretagne, où je vois plein de crêperies qui signalent qu’elles font des galettes avec de la farine de sarrasin bio. Et Écocert nous a même expliqué qu’il est possible de vendre du pain sous mention Nature & Progrès dans les magasins bio ! » « Les contrôleurs ont tricoté un dossier à partir de bouts de la réglementation européenne sur le bio, mais ils ne la connaissent pas », tranche l’avocat Adrien Loquesol.

Deuxième hypothèse : l’administration est allée chez Françoise et Alain car ce sont de petits producteurs, plus faciles à contrôler que les gros. Bernard Coquelle, maraîcher adhérent de la Confédération paysanne se rappelle un cas similaire survenu il y a cinq ans. Des salmonelles — d’une souche pourtant inoffensive — avaient été trouvées dans les fromages d’un de ses collègues, éleveur : « Ils se sont acharnés, ont tenté de lui faire arrêter sa production, il a failli abandonner le lait cru. Il a fallu qu’on envahisse les bureaux de la DDPP pour obtenir de nouvelles analyses, qui étaient bonnes ! »

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Le rassemblement de soutien pour Françoise et Alain devant le palais de justice d’Amiens, le 12 mai.

L’avocat enchérit : « Tout cela me fait penser au livre d’Isabelle Saporta. » Son ouvrage, intitulé Foutez-nous la paix !, est paru en février 2016 et fait le tour de France des petits producteurs mis en danger par des normes inappropriées. Jointe au téléphone par Reporterre, elle nous livre son sentiment sur l’affaire :

« Les normes sont faites pour protéger le business de l’agriculture industrielle mais ne sont pas adaptées aux petits. C’est impossible pour eux de les respecter toutes. Alors, quand il y a un contrôle, cela dépend de l’inspecteur sur qui on tombe. Certains sont arrangeants, d’autres pas : c’est totalement arbitraire. À cela s’ajoute la pression des politiques sur les contrôleurs, pour éviter qu’ils ne touchent aux gros producteurs, comme Lactalis, parce qu’ils font de l’emploi. »

Au pied des marches du palais de justice d’Amiens, il est 9 h du matin. Alain et Françoise entrent dans le tribunal. Les soutiens attendent et discutent, une tartine du pain d’Alain dans une main, un verre de café dans l’autre. Le couple et son avocat ressortent à peine une demi-heure plus tard. L’affaire est reportée au 6 septembre. Le tribunal, engorgé, a décidé qu’il n’avait pas le temps de traiter l’affaire tout de suite et se laisse un délai de réflexion. « Un dossier comme ça n’aurait jamais dû arriver jusqu’ici », regrette l’avocat. Isabelle Saporta, de son côté, est confiante : « À chaque affaire portée en justice, les producteurs gagnent. Mais c’est épuisant pour eux. »